La traileuse fréjusienne, Manon Gras, était le week-end dernier en plein cœur du Cantal, dans les derniers contreforts du sud-ouest du Massif Central. À quelque 40 kilomètres d’Aurillac, le très joli village médiéval de Salers accueillait les championnats de France de trail : le format “court“ qui avait pour support le Trail de la Pastourelle, développant 32 km et un dénivelé de 1100 m, et l’épreuve “longue“, Trail du Grand Cirque, proposant 53 km incluant un dénivelé de 2670 m.

Un plateau extrêmement relevé

C’est sur cette distance que s’est élancée la sociétaire de l’AMSLF, particulièrement en verve depuis le début de cette année 2022, en témoignent ses succès au “Mange-Lamberts“ (21 km) fin mars ou, un peu plus loin, sur le “Trail de la Sainte-Baume“ (46 km, début mars) et sa 2e place sur “La Galinette“, trail long de 47 km disputé fin janvier.
La kiné de Saint-Raphaël (26 ans), plutôt spécialiste de la longue distance (3 “Ultra“ déjà à son actif, dont le “SaintéLyon“, 77 km), nous a raconté sa course, ou plus exactement sa journée, « sur un parcours magnifique mais exigeant, avec une belle technicité », dixit Akim Zilali, accompagnateur, avec un « plateau Élite particulièrement relevé et une grosse densité de coureurs » (854 concurrents classés toutes catégories confondues, 1088 au départ).

Cinquième féminine, mais 3e senior femme puisque deux Masters se sont intercalées, Manon Gras a accompli une magnifique performance dans le cœur du Cantal sur les “France“ de trail long, dont elle devient l’une des meilleures spécialistes françaises (© Akim Zilali)

La course by Manon

Lisons donc Manon, 56e du classement scratch (5h50’58), 5e féminine et 3e senior femmes.

« 7h20, j’entre dans le SAS Élite. Les Élites femmes sont appelées à se mettre tout devant. Je me retrouve alors en toute première ligne d’un peloton de + de 1000 coureurs, au côté de grandes championnes.
– 7h30 le départ est lancé ! Je pars prudemment, la course est longue, je sais qu’il faut en garder sous le pied.
– Ça monte, ça monte jusqu’au 13e kilomètre, à travers des prés à herbes hautes avec plein de trous. C’est très “casse-pattes“ et cela demande d’être assez vigilante. Tout au long de ces 13 premiers kilomètres, je prends mon rythme et double pas mal de femmes.
– Du 13e au 18e kilomètre, une première descente raide et très technique à travers les sous-bois rocheux, caillouteux et bien glissants. Je me tords 3 fois la cheville gauche (qui restera encore gonflée le lendemain). Je me fais rattrapée par une femme, ce qui me pousse à ne pas perdre le rythme et même à accélérer. J’apprends par des jalonneurs que je suis à ce moment de la course 7e féminine.
– Arrive alors une longue et difficile ascension jusqu’au km 22. Je retrouve une bonne énergie et rattrape la concurrente qui m’avait doublé dans la descente. Je la distance, et me retrouve donc 6e chez les féminines.

– S’en suit un passage assez technique avec des sentiers très très étroits et des dévers le long des crêtes des sommets. Ça remonte fort du 28e au 30e km avec, notamment, une des plus grosses difficultés du parcours, sous la forme d’une longue montée de grandes marches jusqu’à un haut sommet.
– Après avoir croisé Akim qui avait grimpé tout en haut pour m’encourager, ça redescend sec et très technique. Les jambes souffrent mais reviennent petit à petit.
– Ensuite, pendant 10km, se présente un long passage avec alternance de montées / descentes tout en haut, le long des crêtes. La forme est revenue, je maintiens la cadence et parviens même à accélérer un peu. Je double alors la grande favorite de la course, qui s’est blessée au genou. Me voilà 5e féminine.
– Au 40e km commence une longue descente de 10 km entrecoupée de quelques remontées. À l’aise, je descends/remonte à un rythme assez élevé malgré la difficulté. On me dit que la 4e femme n’est pas loin. Je réussis à la rattraper et à la distancer.
– Au 49e km, je ne trouve plus le balisage, le pré descendant est large il n’a pas de chemin. Je perds un peu de temps (au moins 2’) et me fait rattraper par une autre féminine, autre que celle que je venais de doubler.
– Les derniers kilomètres alternent montées et descentes. Cela devient dur, mais je ne lâche rien et repasse 4e.
– Km 51, dernière longue montée, je suis à bout de force, la concurrente derrière moi me redouble. Malgré l’épuisement qui se fait bien ressentir j’essaye de la garder en ligne de mire.
– Je puise dans mes dernières forces, ayant peur de me faire rattraper. J’atteins enfin l’arrivée en 5e position du classement féminin, à 1’30 de la 4e et avec même un peu d’avance sur la 6e (5’).  Je suis au bord du malaise à l’arrivée, car j’ai vraiment puisé dans mes ressources profondes. Et j’ai du mal à réaliser que je suis dans le top 5 des championnats de France de trail long. »

 

Un résultat bel et bien réel au demeurant, mais qui ne lui vaudra pas pour autant une place dans la sélection tricolore amenée à prendre la direction des Canaries (El Paso) le 1er week-end de juillet pour le championnat d’Europe de la spécialité, alors que les Mondiaux sont programmés au mois de novembre à Chiang Maï (Thaïlande).
Si ces championnats de France étaient justement considérés comme sélectifs pour les “Europe“, ils n’octroyaient qu’un seul billet, qui reviendra donc à la néo-championne de France, la Clermontoise Laure Paradan, qui accompagnera les trois premières du Trail du Mont-Ventoux, Blandine L’Hirondel, Audrey Tanguy et Mathilde Sagnes, toutes trois absentes à Salers.

Un grand merci pour ce récit à Manon Gras, mais également à Akim Zilali, qui s’est mué en photographe pour l’occasion.

Un panorama exceptionnel que cette extrémité sud-ouest du massif volcanique du cœur de la France pour ces championnats nationaux de trail long (© Rémi Blomme – FFA)