Ce n’est rien de dire que Pauline Ferrand-Prévot a certainement traversé l’un des plus beaux étés de sa carrière de championne de VTT. Une médaille d’argent aux championnats d’Europe de cross-country (XCO le 20 août) derrière une autre Française, Loana Lecomte, que beaucoup n’hésitent pas à présenter comme son héritière, a ouvert cette période faste pour la Champenoise (elle est née à Reims).

La semaine suivante en effet, celle que l’on surnomme “PFP“ – un acronyme qui permet de gagner du temps et quelques frappes sur le clavier – renchérissait de la plus belle des manières. Six jours après l’argent européen, Pauline allait chercher l’or sur le XCC, version raccourcie du format XCO (cross-country olympique) devançant celle qui allait remporter une semaine plus tard la Coupe du monde de la spécialité, la Suissesse Alexandra Keller.

À cette liste (non exhaustive), il faut d’ores et déjà rajouter un titre mondial sur le XCC, et un 4e sur le cross-country (XCO)… et aussi deux années de plus à l’âge de Pauline

XCC, XCO, Mondiaux, Coupe du monde :
plus rien ne lui résiste !

Mais l’hégémonie de la triple Championne des Championnes françaises (2014, 2015 et 2020), titre décerné par le quotidien sportif L’Équipe n’allait pas s’arrêter là. Deux jours tout juste après sa 1ère place sur le XCC, Pauline asseyait un peu plus encore sa domination sur ses adversaires en faisant cavalière seule au fil des 6 tours de 3,4 km figurant au programme des championnats du monde XCO.

Une magistrale démonstration, tant technique que tactique, pour “PFP“ qui agrandissait sa collection de médailles d’or mondiales (*).

Pauline Ferrand-Prévot, l’un des plus beaux palmarès du sport féminin français (© photos : Franck Cluzel)

Enfin, pour ses 4e et 5e courses en trois week-ends les 2 et 4 septembre à Val di Sole – la station du Trentin italien accueillant l’ultime étape de la Coupe du monde 2022-2023 de XCC et XCO – la double championne du monde étrennait de la meilleure des manières ses deux tuniques arc-en-ciel, réalisant là encore un doublé d’anthologie, XCC puis XCO.

« Une saison agitée, mais c’est ça qui me plaît »

L’AMSLF (et votre serviteur) avaient rencontré Pauline en mars, à son retour de la Cape Epic – raid par étapes et par équipes de deux en Afrique du Sud, que PFP a remporté avec la régionale de l’étape, la Sud-Africaine Robyn de Groot – et tout juste avant son départ pour Petropolis (Brésil), site d’accueil de la manche d’ouverture de la Coupe du monde. Pauline y remporta d’ailleurs le short track, confirmant ses excellentes aptitudes sur ce format court du cross-country.

Bien qu’énormément sollicitée après cette répétition d’exploits, celle qui défendait encore cette saison les couleurs du team professionnel “BMC MTB Racing“ – mais qui est aussi détentrice d’une licence auprès de la section VTT de l’AMSLF (tout coureur doit être licencié d’un club affilié à la Fédération française de cyclisme pour s’inscrire à une épreuve), a consenti – et nous l’en remercions vivement – à nous accorder quelques minutes pour évoquer cette saison qu’elle-même présente comme « la plus agitée » de toutes celles qu’elle a disputées.

Pauline Ferrand-Prévot est également l’une des marraines de l’AMSF Académie et des académicien(ne)s, ici l’athlète Raphaëlle Capitaine

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AMSLF. Pauline, quand nous nous étions vus en mars et que l’on avait évoqué les objectifs de la saison, tu avais répondu immédiatement les Mondiaux à domicile. Un objectif que tu as plus qu’atteint entre XCC et XCO. Quel est ton sentiment au sortir de ces deux titres, du fait que tu as totalement axé ta saison là-dessus, sachant que c’est un one-shot, que tout peut arriver et que la concurrence est de plus en plus consistante ?

PFP. C’est un vrai soulagement, parce que oui, les enjeux étaient forts. Mais j’aime les challenges, de toute façon, sans ça je m’ennuie ! Alors me préparer pour une échéance et me focaliser dessus… c’est un bon entraînement pour les JO de Paris !

 

AMSLF. Tu as vécu une saison un peu contrastée avec des hauts et des bas, autant sportifs que personnels. Tu as notamment fait des impasses en août pour partir te préparer en altitude. Il fallait absolument en passer par là pour toi ?

PFP. Une saison, c’est rarement linéaire… en tout cas chez moi. Mais celle-ci a été la plus agitée de toutes celles que j’ai connues ! Donc oui, c’était nécessaire pour moi de m’organiser ainsi, de ne pas rentrer trop tôt sur le circuit cross-country, de découvrir de nouvelles courses, comme la Mégavalanche ou la Cape Epic, ou encore ce stage en altitude en solo. Ç’a décalé énormément ma saison sur sa dernière partie, mais ça me va très bien, c’est moi qui l’ai choisi.

Des heures et des heures d’entraînement sur les pistes du Creps de Boulouris avec ses coaches “locaux“, Cécile et Cédric Ravanel

AMSLF. Est-ce ton expérience (et ta formidable connaissance de ton corps et de tes sensations) qui a fait la différence, notamment dans les choix stratégiques, genre prendre un semi-rigide pour une tactique de course différente ?

PFP. On voit souvent les années qui passent comme un problème, parce qu’on fait rimer jeunesse et performance, mais elles sont aussi souvent une solution, un atout, donc des alliées pour réussir. Bien sûr qu’on tire profit de l’expérience, sans ça, à quoi servirait-elle ? Quand on a un objectif, on se sert de tout le savoir qu’on a à disposition.
De mon côté, mon expérience sur route me sert souvent stratégiquement ; mes saisons de cyclocross, pour gérer certaines conditions ; et celles de cross-country, pour savoir ce dont j’ai réellement besoin en terme de matériel. Ça peut parfois sembler décalé, comme le choix du semi-rigide pour le XCO aux Gets, mais au fond, je sais ce que je fais, et personne d’autre mieux que moi ne sait ce dont j’ai besoin.

 

AMSLF. Tu as conservé Barry Austin, ton entraîneur sur l’aspect endurance. Mais, à côté de cela, tu as changé beaucoup de choses dans l’approche de cette saison. Tant en ce qui concerne ton encadrement que ton ouverture vers d’autres types de courses de VTT. Quel est l’apport des Ravanel, tant Cédric que Cécile, dans cette saison ?

PFP. Ç’a été une nouvelle approche pour la technique, avec du roulage plus engagé, un retour aux basiques du pilotage pour progresser davantage, mais aussi l’intégration de la musculation dans ma préparation hivernale avec Cécile. Et puis il y a toujours ce groupe vraiment très sympa (le groupe Élite de l’AMSL Fréjus VTT et le Fréjus Gravity, avec les Ravanel, Vidal, Piercy et quelques autres jeunes, Ndlr) pour aller rouler, s’entraîner et rigoler !
Je n’avais jamais trop connu cette forme-là du vélo, plus communautaire, et c’est un excellent complément aux longues sorties en solitaire que j’aime aussi énormément. Ils ont été là sur certaines étapes de Coupe du monde aussi. Quand c’était le cas, ç’a été une aide précieuse pour moi, Cédric a souvent assuré les missions de team-manager, d’organisation, en amenant beaucoup de sérénité, et on allait rouler sur le circuit avec Cécile, pour voir les traces ensemble. Ils ont été un soutien vraiment important cette année et je les en remercie !

Pauline et Cécile, vététiste vs entraîneure, mais aussi et surtout deux cop’s qui partagent plus que des séances de physique ou de technique…

AMSLF. Maintenant, place aux vacances. Et la saison prochaine, pré-olympique, vas-tu encore essayer de sortir des sentiers battus et varier les expériences, genre Cape Epic et/ou enduro ?

PFP. Alors ce ne sont pas du tout les vacances, en fait ! J’ai l’impression que la saison a vraiment commencé pour moi avec les championnats d’Europe en Allemagne. J’ai très envie de rouler, de courir, de profiter du pic de forme préparé cette année. Donc je pars aujourd’hui (lire lundi 12, Ndlr) sur les mondiaux de marathon au Danemark (les 17 et 18 septembre à Haderslev, Ndlr), puis ceux de Gravel en Italie en octobre (8 et 9 dans la région de la Vénétie, Ndlr), et j’aimerais aussi recourir en cyclocross, sur les Europe notamment, tout ça avec un changement d’équipe en vue. J’adore cette frénésie de grands rendez-vous, ça me fait vraiment tellement plaisir !
Les vacances vont pouvoir attendre encore un peu !

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Le cyclo-cross, une autre des disciplines qu’aimerait revisiter la polyvalente Pauline Ferrand-Prévot… (© Matthew Lassala)

Et si ce n’était pas fini ?…

Eh oui, la Reine des Gets n’est pas encore rassasiée de cette fin de saison hors normes. Et quelque chose nous dit qu’elle pourrait bien encore aller cueillir quelques lauriers, notamment sur le marathon dès ce prochain week-end en plein cœur du Danemark, une discipline dont elle a déjà été sacrée championne du monde, sur un format qu’elle découvrait alors.
C’était en 2019 en Suisse, mais surtout… trois semaines après un titre mondial en cross-country !

À noter encore que le 18 juin dernier, Pauline est devenue vice-championne de France du VTT marathon derrière la tenante du titre, Léna Gérault.

Et pour 2023, comme cette insatiable championne le dit elle-même, un autre retour devrait se concrétiser, sur le cyclocross cette fois, avec certainement au fin fond de son esprit, le regard déjà tourné vers les Jeux de 2024, l’or olympique étant le seul qui manque encore à son prodigieux palmarès…

Le cyclo-cross (ci-dessus un autre de ses titres mondiaux, en 2015) fait aussi partie des disciplines qu’aimerait revisiter la polyvalente championne (© Matthew Lassala)

Photo © FFC

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(*) L’INFO EN PLUS
Les médailles d’or de Pauline sur des championnats du monde :

• sur route (2014),
• en cyclo-cross (2015),
• VTT XCO (2015, 2019, 2020, 2022),
• VTT XCC (2022),
• VTT Relais mixte (2014, 2015, 2016),
• VTT marathon (2019)…

 

 

Championne du monde sur le VTT-marathon, Pauline sait faire : elle a déjà conquis ce titre il y a trois ans du côté de Grächen en Suisse (photo © Imago)