Clémence-June Frazey est Française, mais née en Angleterre, à Bath, il y a 21 ans. Son papa, Fred, est de même nationalité mais sa maman, Lamsay, est Laotienne. Originaire de Savannakhet, dans le sud-ouest de ce petit pays d’Asie, d’une superficie à peine la moitié de la France, et d’une population (7,5 millions) bien moindre que celle de l’Île-de-France.

Rassurez-vous, comme beaucoup d’entre nous, si votre serviteur a certes déjà entendu ce nom, il demeurait bien en peine, voire dans l’incapacité, tant d’énumérer les données précitées que situer le Laos sur le globe terrestre.
Renseignements pris cependant, le Laos est donc ce pays d’Asie du sud-est, sans accès à la mer et enclavé principalement entre Vietnam (à l’est) et Thaïlande (à l’ouest). Avec, encore, des frontières communes – mais beaucoup moins longues – avec le Cambodge au sud, la Birmanie et la Chine au nord. Un pays qui, sur un planisphère et toutes proportions gardées, semble épouser la forme d’une botte, à l’instar de notre voisin transalpin.

Clémence tient ses origines laotiennes de par sa maman née dans la cité de Savannakhet, au sud-ouest de ce pays d’Asie, dont la forme générale fait un peu penser à la botte italienne

 

« Française au Laos, Laotienne en France »

Au-delà de ces considérations purement géographiques, le Laos est surtout le pays d’origine de Clémence – « mon prénom est effectivement Clémence-June, mais on m’appelle plus communément Clémence ». Un pays qu’elle a découvert il y a quelques années seulement, lors d’un voyage “retour au pays“ pour maman. « C’était juste avant le confinement, et ç’a été un choc indéniablement, confie la jeune fille. En fait, autant en France, je me sens souvent laotienne, autant là-bas, je suis française. » Ce n’est pas que Clémence June ne se sente nulle part réellement chez elle, c’est surtout qu’elle se sent chez elle dans ces (ses) deux pays.

Aussi, pour elle qui a commencé le judo vers l’âge de 7-8 ans, après avoir essayé la danse – « mais mon père m’a bien dit que ce n’était pas pour moi. Et j’étais d’accord. En fait, il voulait que je fasse un sport de combat qui me permette de sortir toute cette forme de colère que j’avais et je gardais en moi » –, elle n’a pas manqué de saisir l’opportunité qui lui a été offerte à l’automne d’aller disputer l’Open international du Laos. « J’avais prévu d’y retourner, avoue-t-elle, mais peut-être pas ainsi, pas aussi vite. Peut-être plus tard. »

 

Cette invitation n’est pas non plus tombée par hasard. Car Clémence est en relations depuis quelques temps déjà avec les autorités laotiennes, politiques (ambassade) mais également sportives (et l’entraîneur japonais du judo laotien, Kon Kasuki). En fait, le pays d’Asie « est à la recherche de sportifs », ressortissants “étrangers“ et ayant des liens avec ce pays, « afin de construire des sélections » qui lui permettraient de s’affirmer, voire briller, sur les scènes et compétitions internationales.

Le tatami est sa maison

Clémence n’a ainsi pas traversé une partie de l’hémisphère nord et comblé les quelque 9000 kilomètres qui la séparent de son autre pays pour juste prendre part à cet Open international – qu’elle aura d’ailleurs remporté dans sa catégorie des -57 kg, dominant toutes ses adversaires par ippon. Car, à côté de cet Open, figurait en parallèle à son programme une participation à un stage avec la sélection du Laos pour juger de son niveau et de sa potentielle intégration à la sélection nationale. « J’ai montré que j’étais motivée en répondant déjà à cette invitation à aller disputer l’Open, puis à participer à tous les entraînements prévus, confirme Clémence. Disputer les Sea Games – (Southeast Asian), soit les Championnats d’Asie du Sud-est, du 5 au 17 mai 2023 à Phnom Penh au Cambodge – est aujourd’hui mon objectif. Et comme quelqu’un qui veut tellement quelque chose, je vais y parvenir ».

Tous pareils en kimono

Alors, en attendant de connaître le verdict des sélectionneurs et de savoir si elle sera amenée à défendre les couleurs de sa mère patrie, Clémence prépare son diplôme d’entraîneur de judo. « J’ai voulu d’abord m’assurer un petit bagage à travers un BTS MCO (management commercial opérationnel). Plus exactement avoir quelque chose si le judo ne marche pas. Mais ma maison, cela reste le tatami. »

Parce c’est là qu’elle se sent le mieux et qu’elle a trouvé sa voie. « Sur un tatami, contrairement à l’école, on est tous pareils. On peut avoir des ceintures de différentes couleurs mais, avant tout, on a tous un kimono. »

Parce que le judo a également donné un sens à sa vie, « une éducation, un code moral ». Lors de sa première visite au Laos, Clémence avait connu « un immense bonheur » mais aussi « une grande émotion » au regard de la situation des enfants, et s’était promis de leur apporter une aide. « Quand j’ai su que je repartais, j’ai demandé aux enfants, ici, que j’entraîne s’ils pouvaient me confier des fournitures en trop dont ils ne se servent pas ou plus. J’ai pu ainsi en emporter et distribuer ces cahiers, ces rayons dans deux écoles, une maternelle et une primaire. Cette dernière était une école d’État, avec des enfants de militaires. Pour autant, les enfants n’en demeurent pas moins assez pauvres et j’étais contente de pouvoir faire ce geste. »

Clémence a profité de ce deuxième voyage au Laos pour, grâce à la générosité de nombreux petits Français, distribuer des fournitures aux écoliers laotiens

Fred, son papa : « Ma fille fait ce qu’elle aime »

Pas étonnant, dès lors, que ses parents en dégagent une grande fierté. « Oui, on m’a déjà posé cette question, confirme-t-elle en se marrant. Alors, je sais quoi répondre. Oui, mes parents sont un soutien permanent pour moi, ils font tout pour que je réussisse ce que je veux faire, mon père dit ainsi, “ma fille fait ce qu’elle aime“. »
Et ce qu’elle aime avant tout aujourd’hui, c’est faire du bien. Grâce au judo, par le judo. « Tous ces moments privilégiés que je vis, c’est grâce à l’AMSLF (où je suis licenciée depuis 10 ans) et au judo, grâce à la ville de Fréjus que je suis fière de représenter à l’international. Je les dois à mes coaches aussi, Quentin et Laurent (Mahé), qui a toujours été un soutien important pour moi, pas seulement sur le tatami mais également dans la vie au quotidien, y compris quand il y a des instants difficiles. De tout cela, je lui suis extrêmement reconnaissante. »

À Clémence aujourd’hui, que nous remercions plus encore de s’être ainsi livrée – « un exercice difficile pour moi » –, et alors que nous sommes encore en plein période de vœux pour la nouvelle année, l’AMSLF et Fréjus lui souhaitent avant tout d’aller très vite défendre les chances de son pays d’origine, plutôt “de son deuxième pays“, lors des prochains Sea Games

Clémence se sent parfaitement à l’aise au Laos, son deuxième pays (merci à Clémence pour toutes les photos)