La Race Experience School, Sébastien Gimbert, Thibaut Gourin, les éducateurs étaient sa seconde famille, celle de la moto. Et Johan Gimbert, le “grand frère“ de ce petit homme à la bouille si sympa… (photos © DR – Franck Cluzel)

Ce vendredi matin, un peu avant 7h (heure locale, 5h en métropole), l’avion ramenant le corps de Mathis Bellon sur son île natale a atterri à Gillot, appellation “péi“ de l’aéroport Roland-Garros, à Saint-Denis de la Réunion.
L’appel de ses parents et sa famille, de voir les motards de l’île de l’Océan Indien venir accueillir sa dépouille puis l’accompagner en cortège jusqu’au funérarium de Commune Prima à la Bretagne, quartier de l’ouest de la capitale réunionnaise, avait été largement entendu. Et ce sont des centaines de grosses cylindrées qui auront notamment effectué un petit détour par le circuit de la Jamaïque, afin d’y effectuer un tour d’honneur, devancé par de tous jeunes motards, certains tenant en main un ballon en forme de moto à l’effigie de Mathis, d’autres sur leurs petites motos… à roulettes.
Un hommage bruyant rendu au jeune “champion péi“ en faisant vrombir les moteurs de leurs machines.

Ce vendredi matin, après qu’il ait atterri sur le sol réunionnais, des centaines de motards sont venus attendre Mathis et l’accompagner vers sa dernière demeure, non sans lui avoir rendu un vibrant hommage, tous âges confondus, sur le circuit dionysien de la Jamaïque (photos / images : © Le Quotidien de la Réunion)

Inhumé ce samedi à la Réunion

Une ultime veillée se tiendra ce vendredi soir avant les obsèques et l’inhumation de Mathis demain samedi au terme d’une messe célébrée en l’église de la Rivière-des-Pluies.

Depuis une dizaine de jours, plus encore depuis son départ le 28 juillet, la disparition de Mathis aura fait couler beaucoup de larmes, beaucoup d’encre aussi.
Le monde de la moto (mais pas que) lui rendant un hommage à travers de multiples réactions, témoignages, articles de presse, sujets télévisés, marques de sympathie à l’endroit de ceux qui restent, ses parents, sa petite sœur, sa famille et celle de la moto, de métropole ou des.
Depuis le champion du monde Fabio Quartararo – son idole, qui l’aurait croisé (et qu’il aurait croisée) dimanche dernier sur le circuit du Var au Luc-en-Provence, puisque le Niçois est venu donner le départ d’une épreuve du championnat Mini OGP à laquelle était inscrit notre jeune champion – jusqu’au plus haut sommet de l’État et le ministre des Outre-mer, Jean-François Carenco, ou encore la députée de la 2e circonscription de la Réunion.

Passion intense

« Il ne faut pas reprocher à la vie ce qu’elle nous enlève, mais apprécier ce qu’elle nous laisse. » Aussi belle et vraie puisse être cette phrase, elle n’en est pas moins cruelle quand la vie enlève un fils à ses parents, un grand frère à sa petite sœur. Oui, Mathis Bellon est parti trop tôt, beaucoup trop tôt, victime de sa passion…

Cette passion de la vitesse, de la course, Mathis l’avait en lui, ancrée. C’était génétique en quelque sorte, dans le sillage de son père, Laurent, lui-même pilote moto – « (…) quand j’allais sur les podiums, il venait avec moi, la passion est partie de là aussi » –, à l’image encore de son parrain, Samuel, ancien vainqueur du Tour Auto à la Réunion.

Une passion intense pour Mathis comme est surnommée cette île, de l’autre côté du globe, où il avait vu le jour fin mars 2014.

Mathis, on le sait, avait rejoint la métropole avec son papa Laurent, pour intégrer la Race Experience School. Plus exactement, « il était venu il y a pile un an, à l’été 2021, rappelle son coach, Thibaut Gourin. Il s’était entraîné avec nous tout le mois d’août, avant qu’on ne l’inscrive sur la dernière course de la saison à Alès. Tout de suite, on avait vu qu’il était au-dessus du lot ».

« Jamais connu un pilote qui allait aussi vite »

Mathis avait alors regagné la Réunion, avec la perspective de « revenir continuer sa formation au sein de notre école et de notre team », continue Thibaut Gourin, qui s’était pris autant d’affection pour ce môme aux yeux rieurs, débordant de vie et de joie tel qu’il était dans la vie de tous les jours, que d’envie pour le prodige qu’il devenait une fois le cuir enfilé.
Et cette perspective, cette promesse, ce destin de futur grand champion qu’il commençait tout juste à se forger et qu’il serait devenu, assurément. « Je n’ai jamais eu ou connu un jeune pilote qui allait aussi vite et avec autant de compétences à cet âge-là, ne cesse-t-il de répéter depuis une semaine un coach totalement dévasté. Mathis arrivait à faire des choses que même des garçons devenus champions du monde n’arrivaient pas à faire au même âge ».

Mathis Bellon était tout jeune, mais déjà un sportif accompli. Pilote motocycliste on le sait, mais aussi nageur émérite, et champion de BMX. Une discipline pratiquée au sein du team maximois de la Race School Compagnie, dont il portait aussi haut les couleurs, en témoigne sa victoire dans sa catégorie d’âge en juin dernier au Trophée de France couru à Sarzeaux.

38, sa plaque fétiche. En moto, comme à gauche au Mans, après sa double victoire lors de la manche d’ouverture du championnat de France mini-OGP 115, mais aussi en BMX, à droite… (photos © D.R)

Le Mathis version BMX, en haut à Sarzeaux en juin dernier lors de sa victoire au Trophée de France, ou ci-dessus, lors d’une autre victoire à Sainte-Maxime (photos © D.R.)

Une chute sans gravité… et puis le suraccident !

Et parallèlement, Mathis poursuivait son ascension sur les circuits. Inscrit sur l’une des compétitions références, le Mini-OGP 115 (OGP pour Objectif Grand Prix), un championnat de France porté par la Fédération française de motocyclisme, dont il avait remporté 5 des 8 courses jusqu’alors disputées et dont il pointait 2e au général provisoire, à quatre petits points (138 vs 142) du Saône-et-Loirien Adam Trojanowski.
Une trajectoire fulgurante, qui l‘avait vu intégrer le Collectif Espoirs FFM de vitesse, dont le stage d’été se déroule sur le circuit de Carole depuis hier avec un absent malheureusement.

Mais une trajectoire qui s’est arrêtée net le 22 juillet, sur un circuit du Trentin italien, lors des essais libres d’une manche du championnat italien CNV. « Mathis était dans les premiers du peloton, explique Sébastien Gimbert, directeur de la Race Experience School au côté de Thibaut Gourin. Il a chuté, mais une chute basique, sans gravité, dont il s’est relevé sans souci. Il a essayé de se mettre à l’abri et si les poursuivants immédiats sont parvenus à l’éviter, cela n’a pas été le cas des suivants. Deux d’entre eux l’ont percuté. C’est le suraccident type », aux conséquences malheureusement dramatiques.

Le destin s’acharne

Alertés par le papa – pour l’anniversaire duquel Mathis voulait remporter cette course italienne –, Sébastien et Thibaut ont traversé l’Italie pour se porter au chevet du jeune champion. Lequel sera finalement rapatrié sur Montpellier trois jours plus tard où, déclaré en état de mort cérébrale, il s’éteindra le 28 juillet… jour des 3 ans de sa petite sœur.

Mardi dernier, Thibaut Gourin, accompagné de celui qui était devenu son “grand frère“, Johan Gimbert, mais aussi de Nicolas Cole, « un de nos éducateurs qui s’occupait souvent de Mathis », sont allés lui dire au-revoir.

Hommage ci-dessus, sur le circuit du Luc dimanche 31 juillet, lors d’une manche du championnat de ligue mini-OGP 115, où Mathis aurait eu la possibilité de croiser son idole, Fabio Quartararo… Hommage encore ci-dessous, avec une veillée aux bougies organisée mercredi à Sainte-Maxime par son club de BMX de la Race School Compagnie (photos © D.R.)

Mathis vit encore à travers cinq enfants

Puis ses parents, Laurent et Aurélie ont fait preuve d’une magnifique « maturité, salue Sébastien Gimbert, en décidant de faire don des organes non touchés de leur enfant ».
Un geste, « une décision qu’il nous a fallu prendre vite, très vite », évoquent de concert ses parents. Sa maman ajoutant, « il aurait été d’accord si nous en avions parlé avant, il était tellement généreux »
Généreux avec sa petite sœur notamment, mais aussi dans sa vie de tous les jours, et encore sur les circuits comme le confirme Thibaut Gourin, « il était extrêmement mature pour son âge, toujours disponible, pour aider les débutants, les conseiller, leur montrer comment attacher le casque… »

« Il ne faut pas reprocher à la vie ce qu’elle nous enlève, mais apprécier ce qu’elle nous laisse. » Aujourd’hui, la vie de Mathis est toujours prégnante. À travers cinq autres enfants, cinq vies sauvées grâce à ce don d’organes. Voilà l’héritage de Mathis.

Aujourd’hui, la course a repris ses droits. Show must go on. Carla Mulot était ainsi en essais sur le circuit du Castellet cette semaine, Johan Gimbert y sera ce week-end. C’est ainsi, c’est la vie. Et, pour ceux qui osent encore critiquer le choix de Mathis de faire de la moto, rappelons ces mots du grand champion qu’est Andrea Dovizioso, à l’annonce du décès en 2011 de Marco Simoncelli, « dans ces circonstances, les mots semblent superflus. En course, on se bat très fort, et le malheur est souvent au détour d’un virage. Depuis que nous sommes gamins… »

Mathis Bellon, grand petit homme, a fait son dernier voyage pour retrouver son île natale la nuit dernière. Il y reposera désormais pour l’éternité. Au-revoir champion, au-revoir Mathis.

 


 

Hommage lors du Forum des associations. Une veillée a eu lieu sur la piste des exploits du rider Mathis à Sainte-Maxime, avec tous ses copains du club de BMX dont il défendait les couleurs. Un autre hommage lui sera rendu par la grande famille de l’AMSLF le dimanche 4 septembre, à l’occasion du Forum des associations sur la Base nature.

En images le cortège des motards de la Réunion pour accompagner Mathis ce vendredi matin depuis l’aéroport dionysien