Johan et ses parents, Alexandra et Sébastien, devant le magasin “familial“ SPEEDWAY, à La Palud, qui abrite également l’atelier de la Race Experience Team

À 17 ans et 8 mois (il est né le 11 janvier 2005), Johan Gimbert aborde peut-être en cette fin de semaine l’une des courses les plus importantes de sa jeune et prometteuse carrière. À moins de 100 “bornes“ de la maison familiale, de sa ville et de l’atelier de la Race Experience Team, sur le circuit Paul-Ricard du Castellet, le jeune Fréjusien s’élance pour l’ultime étape et les deux dernières courses du championnat de France FSBK, plus spécifiquement en catégorie Supersport (SSP) 600.
L’occasion, à l’aube de qui promet être une grande carrière, de découvrir un peu plus encore “le fils de son père“, qui perpétue le nom de famille dans les paddocks.

 

Amslf : Johan, comment abordes-tu cette dernière manche du championnat et peux-tu faire un petit retour rapide sur cette saison ?

JG : « Les débuts ont été un peu en deçà de ce qu’on pouvait montrer. Plusieurs facteurs et raisons à cela : je découvrais le championnat, le contexte mais aussi les circuits. À part Magny-Cours, où j’avais déjà couru, je ne connaissais aucun autre circuit. Pour autant, je n’étais pas si loin

 

Comment se présente cette dernière course ?

Déjà, on change le moteur aujourd’hui (lire mercredi, à 24 heures du départ pour Le Castellet, Ndlr). On pose un moteur avec davantage d’allonge, plus approprié aux spécificités du Paul-Ricard. À Carole par exemple, un circuit présentant davantage de virages, le moteur était plus fort en accélération et ce que je gagnais dans les courbes ou, plus exactement à la sortie des courbes, mais je perdais en puissance continue et je cédais du terrain sur mes adversaires.

 

Tu restes en revanche sur quatre 2es places. Tu sembles avoir le pas sur tous tes rivaux, hors Debise qui est au-dessus. Il y a eu un déclic apparemment. Comment l’expliques-tu ?

C’est tout un ensemble, une progression linéaire. Avec un déclic sans doute à Magny-Cours, sur une piste que j’aime par-dessus tout. La seule que je connaissais en fait et om, sans doute, on ne m’attendait pas si bien… Après, Valentin Debise, c’est tout de même un pilote qui a un sacré palmarès et une sacrée expérience. Mais, à Magny-Cours autant qu’à Carole, j’ai montré que j’étais capable de rouler dans ses temps, voire mieux, d’être à ses côtés et me battre avec lui sur la course. Après, il y a un domaine sur lequel il a un avantage, mais je ne souhaite pas trop en parler. Simplement, je sais où c’est, ce qu’il manque, où on peut gagner des millièmes…

L’aspect médiatique, Johan maîtrise déjà. La piste, il va encore progresser (il n’a que 17 ans), et il est déjà présenté comme l’un des grands espoirs de la moto vitesse française

Les enjeux sont clairs : tu peux finir podium sur le général et, potentiellement, remporter le classement “Challenger“, réservé aux U21 (lire notre article ICI). Quel est ton objectif ?

GAGNER, c’est tout ! J’ai fait P2 sur les quatre dernières courses, là c’est clair je veux être devant. Je sais que je ne suis pas loin de Debise, encore une fois, ça se joue sur des détails. Après, il n’est pas sûr que (Valentin) Debise soit présent sur les deux catégories (Superbike puis SSP600) où les titres de champion de France sont acquis, il pourrait privilégier et courir simplement le Superbike.

 

Et Matthieu Gregorio (2e du classement scratch, leader au classement Challenger avec 32 points d’avance sur Gimbert) ne sera peut-être pas au top, après sa chute sur la manche mondiale où il avait bénéficié d’une wild-card…

Je l’ai croisé au Bol d’or la semaine dernière, il avait une attelle au poignet, mais il sera là. Et tant mieux d’ailleurs. Après, par rapport à sa chute, peut-être n’était-il pas suffisamment prête pour franchir ce cap et courir en Mondial…
Je sais aussi que sans mes soucis sur la course #1 de Pau (il cale sur la grille de départ et ne pourra disputer ses chances, Ndlr), que Matthieu gagne et sur laquelle il score un max (25 pts + le point du meilleur tour en course, soit 26 pts), il n’y aurait pas cet écart…

 

Ils restent néanmoins tes principaux rivaux ?

Oui, mais je rajouterai Enzo de la Vega, qui a couru le Bol la semaine dernière avec la Yamaha #94 du Team LH Racing. Qui s’est même battu un temps pour la victoire en Superstock, avant un arrêt en milieu de nuit sur un problème électronique. Donc, il aura tous les repères en tête, c’est sûr qu’il partira devant sur les practices et les qualifs…

 

Le Paul-Ricard, tu le découvres également ?

Oui. On a fait des essais au mois d’août, mais c’était sur un track day déjà (une journée de roulage libre où chacun vient avec sa machine personnelle)… Après, j’ai également regardé pendant le Bol, mais ce n’est pas vraiment significatif, ce ne sont pas les mêmes machines, les mêmes pilotes, bref pas le même monde… D’autant que la pluie pourrait s’inviter également…

La mécanique, c’est l’affaire de Fred, en plein changement de moteur. Un mécano qui travaillait déjà avec Sébastien et délaisse son entreprise à Perpignan chaque week-end de course pour se mettre au service de la famille Gimbert

Et ?… Tu ne te sens pas de rouler sur le mouillé ?…

Évidemment, d’autant qu’on n’a pas eu de pluie sur aucune course cette saison. Après, c’est toujours plus délicat c’est sûr, d’autant que le Paul-Ricard n’est pas un circuit qui absorbe parfaitement l’eau, a fortiori quand ce sont de grosses averses brutales. Maintenant, ce sont les mêmes conditions pour tout le monde et, perso’, j’ai déjà couru et gagné sous la pluie en Mondial en Espagne. Ma première victoire est même intervenue sous la pluie, j’avais 13 ans, c’était en CBR Cup.

 

Vous êtes une petite structure, pour le moins familiale. Ça te va ?

Complètement. Il y a juste mon père et mon mécano, Fred (Metlaine), qui a bossé avec mon père déjà, en qui j’ai confiance à 100 %. Et c’est hyper important. En cours de saison également, on a rajouté un chef-télémétriste, Alex Leroy, qui a notamment bossé avec Jules Cluzel. À partir de données recueillies grâce à un boîtier électronique posé sur la machine, il reçoit mes traj’ (trajectoires) en direct, et me débrife immédiatement : là où je ne passe pas bien, là où je peux accélérer plus tôt, freiner plus tard, etc. Un gros travail qui m’apporte beaucoup…

 

Et physiquement, tu travailles comment ?

J’ai un préparateur physique, Benjamin Darbelet, à Saint-Raphaël (ancien champion international de judo, vice-champion olympique à Pékin en 2008). C’est un travail classique, foncier, endurance. Là, j’axe un peu plus spécifiquement sur le relâchement pour ne pas être trop crispé et trop tendu. J’ai ainsi souvent des douleurs dans les bras en fin de course. Je bosse aussi sur la respiration, parce que je respire très rapidement et de petites bouffées d’air. À un moment, je m’asphyxie, donc là aussi, c’est un axe de travail et de progression.

Tu portes le patronyme de Gimbert, un nom qui parle dans le milieu de la moto. Ton père Sébastien a en effet réussi une magnifique carrière, tant en vitesse qu’en endurance. Il était donc normal que tu viennes à la moto ?

Pour moi oui, pour lui, moins – Sébastien avoue en aparté qu’il ne voulait pas spécialement que son fils se lance sur les circuits, mais “il nous a eus, sa mère et moi. On lui a dit qu’on lui payait une saison s’il faisait des efforts à l’école. Il s’est mis à mieux bosser et c’est ainsi que tout a commencé“, et si maman Alexandra est présente en bord de circuit, sa petite sœur, Jade, 14 ans, est plutôt férue d’équitation pour sa part, Ndlr.
Après, mon père m’a mis sur une moto, mais ce n’est pas lui qui m’a appris à aller vite. En revanche, il m’apporte énormément avec son analyse de course, il est très fort en bord de piste sur le week-end, ses conseils sont énormément précieux…

 

Du coup, vitesse ou endurance ?

Vitesse. L’endurance ne me convient pas pour l’instant. Ce n’est pas que je n’aime pas. Au Bol la semaine passée, au moment du départ, j’avais une envie folle d’être sur la piste. Mais sur le premier relais uniquement. Après, je ne suis pas assez “équipe“ dans l’esprit actuellement, je ne veux pas dépendre des autres. Là, je cours, je gagne, c’est moi. Je chute, je perds, c’est moi, tu comprends ? Je n’ai pas envie de dépendre des autres, dans un sens comme dans l’autre. Après, peut-être à un moment donné de ma carrière mais pas pour l’instant, non.

 

Le Castellet, c’est la fin de la saison. Et après ?

Je vais essayer de faire une course (wild-card) sur une épreuve du championnat d’Espagne en fin de saison. Après, la nouvelle moto arrive pour Noël et on travaillera déjà sur une nouvelle saison en SSP600. Avec plus de professionnalisme encore, avec toute l’expérience emmagasinée cette année, l’ambition sera de tout gagner ! »

 

Encore quelques instants de calme avant la tempête, sous les casques et peut-être aussi sur la piste dès ce vendredi après-midi au Paul-Ricard. Avec, toujours en tête, et embarqué sur la moto, le petit frère Mathis Bellon, tragiquement disparu fin juillet…